Née en 1967, vit et travaille près d’Angers. Depuis plus de trente ans, Katherine Roumanoff explore le portrait textile comme un espace d’investigation de l’identité et de la mémoire. Installée au bord de la Loire, à proximité d’Angers, elle développe une œuvre qui interroge la façon dont la matière, les motifs et les textures traduisent nos histoires visibles et invisibles. Designer de formation, également autrice et illustratrice, elle a trouvé dans le tissu un médium plastique qui dépasse l’ornement pour devenir langage et mémoire. Cette relation intime au textile remonte à l’enfance, imprégnée par les étoffes orientales que ses parents importaient dans les années 1970. Ces surfaces chargées de motifs répétitifs, de symétries et d’arabesques l’ont initiée très tôt à un monde visuel où chaque fragment porte une histoire et accompagne les êtres humains dans leur quotidien. La création de costumes de théâtre, quelques années plus tard, lui a révélé la puissance de la matière textile dans la construction et l’expression d’une identité et l’incarner scéniquement. Dans ses portraits, l’artiste compose sans dessin préalable, à la façon de Matisse avec ses papiers découpés, elle découpe directement dans la matière. En juxtaposant les étoffes, elle laisse surgir une figure qu’elle assemble par collage. Chaque matériau — velours, soie, jacquard, toile de Jouy, brocard et cotonnade — agit comme une strate temporelle et culturelle. Le textile devient à la fois fragment d’histoire, trace artisanale et support symbolique. Le visage, lieu de projection identitaire par excellence, se constitue alors dans une tension entre hétérogénéité et unité, dispersion et recomposition. « Quand je crée, je suis sans doute proche d’un état de transe : j’ai la sensation de me laisser guider par les matières, les motifs, les couleurs. L’hypnose m’a aussi permis d’approfondir ma connaissance des mécanismes de l’inconscient, des mémoires enfouies, des blessures transgénérationnelles. Le visage révèle ce qui ne peut se dire, ce que l’on cache. Il parle malgré nous des peurs, des désirs et des forces invisibles qui nous traversent et nous façonnent. Il en dit plus que ce dont nous avons conscience. Ce qui m’intéresse, c’est d’inscrire sur la toile l’instant dense et fugitif où l’âme s’échappe. L’aspect psychologique réside dans ma nature profonde. En mettant en scène des personnages, seul à seul, en relation avec la nature, avec eux-mêmes, ou à deux, je m’intéresse à la relation que l’on entretient avec soi-même, à nos dialogues intérieurs, à nos hésitations du cœur. Je cherche à révéler, à dévoiler le mystère de nos fonctionnements. J’espère que de mes œuvres se dégage une certaine beauté, celle de l’harmonie, de l’apaisement, de la sérénité, ainsi qu’une poésie, celle du plaisir d’exister dans une ouverture au monde. C’est ce que je souhaite à tous : que chacun et chacune se glisse à l’intérieur de lui-même et accepte sa propre multitude, sa richesse intérieure infinie et que cette acceptation ouvre toutes les portes. »